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Dominique

Evangélisé par les détenus

En devenant aumônier de prison, suite à un appel, Dominique découvre un chemin, au début inattendu pour lui, qui est devenu source d’une grande joie. Celui de se laisser déplacer, convertir par ceux qui sont privés de liberté.

« Tu te soucies et t’agites pour bien des choses, pourtant une seule est nécessaire… » (Luc 10, 41-42). Ce mot de Jésus à Marthe était dans mon oreille, il y a quatre ans, lorsque s’ouvrit pour moi l’heure de la retraite. Je pris donc la décision de m’asseoir aux pieds de Jésus en m’engageant pendant un an dans les Exercices spirituels. Vint l’heure de « l’élection ». Ce fut pour moi la réponse à un appel de l’aumônerie catholique du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse. Ce choix fut difficile, semé d’angoisse, de retour en arrière, de nuits d’insomnie : « Ah Seigneur vraiment, je ne sais pas parler,  car je  suis un enfant », ...bien sensible et fragile… La réponse du Seigneur intervint très vite par la bouche d’un détenu. Alors que je visitais Manuel dans sa cellule, il me dit : « Veux- tu un verre de café ? » Voilà que moi qui étais venu le visiter, il m’invitait ! À l’issue de l’entretien, il ajouta : « Tu n’es pas un co-détenu, tu n’es pas un surveillant, tu n’es pas de l’administration pénitentiaire, tu n’es pas un avocat, un juge…tu es un homme normal. Lorsque tu viens me voir je ne vois plus les barreaux ; s’il te plaît, ne tarde pas à revenir me visiter. » Invité par Manuel, j’ai senti comme un clin d’œil du Christ qui lui-même m’invitait et confirmait ainsi mon appel d’aumônier. Les insomnies cessèrent et firent place à la joie d’être présent dans ce monde carcéral comme témoin silencieux de la miséricorde du Père.

La liberté de leur cœur me convertit

Au début de ma mission, il y a presque quatre ans, j’ai lu la lettre du pape François La joie de l’Évangile. Ce texte m’a impressionné car je vérifiais avec les détenus les propos du pape : « Les pauvres ont beaucoup à nous enseigner, par leurs propres souffrances ils connaissent le Christ souffrant. Il est nécessaire que nous nous laissions évangéliser par eux… Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux… » (198). C’est effectivement un vrai retournement que j’expérimente à la prison : lorsque nous partageons le dimanche le texte d’Évangile avec les détenus, leur expérience et leurs mots très directs nous permettent d’aller droit au but et nous ouvrent à une compréhension du texte que seul, prisonnier de ma bonne éducation, je n’ai pas. L’un d’eux me dit un jour :
« Lorsque les corps sont enfermés, les cœurs parlent ». La liberté de leur cœur me retourne, me convertit. Pour l’entrée en carême, le mercredi des Cendres, cette année, nous avons vécu une expérience très concrète de ce retournement lorsque Sébastien condamné à 20 ans de réclusion a pris de la cendre et a tracé sur le front de Michel qui présidait l’eucharistie une croix en lui disant : « Michel change ton cœur ! Convertis-toi ! ». D’un coup j’ai réalisé qu’il n’y avait plus de prêtre, plus de détenus, mais simplement des frères concélébrant ensemble, partageant un repas de communion. Un moment où toutes les séparations étaient abolies, où il n’y avait plus ni bons ni mauvais mais une communauté de pécheurs pardonnés entourés de la miséricorde du Père.

Les détenus souvent forcent mon admiration par le courage avec lequel ils prennent leur situation. Assis, il y a quelques jours, au bord du lit d’un détenu condamné à 15 ans de réclusion, je lui dis « Alors, aujourd’hui ? Quelle météo personnelle ? ». Il me répond : « Tu sais, Dominique, l’été est passé, les activités ont recommencé : le lundi je vais en cours de maths, le mardi c’est le sport, le mercredi tu viens le matin, je participe avec Michel, Anne-Marie et toi au groupe de parole, le jeudi c’est mon  jour « off », le vendredi je reçois mon visiteur de prison au parloir, le samedi il y a le culte protestant, et le dimanche je vous retrouve à la célébration. Finalement j’ai organisé mon temps carcéral, la vie est belle ! » Je suis face à lui et je me retrouve dans l’univers d’Etty Hillesum : « J’ai appris à aimer mon camp de transit, je te suis reconnaissante mon Dieu de me rendre la vie si belle partout où je me trouve ». Oui, Seigneur comme les détenus, comme Etty Hillesum, donne-moi la sagesse de consentir à ce que je ne peux changer dans ma vie et la joie de voir que « même si on ne nous laisse qu’une exiguë ruelle à arpenter, au-dessus d’elle il y aura toujours le ciel tout entier. »

 
Dominique
Aumônier au centre de détention
de Bourg-en-Bresse

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