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Expérience de Dieu - Revue N°92 - Mars 2025

Une « vocation » confirmée dans la maladie

En 2021, la célébration des 500 ans de la conversion d’Ignace de Loyola m’a amené à partager mon expérience de discernement pendant une période de­ maladie et de convalescence qui a duré de novembre 2018 à novembre 2020. Cette ­ relecture m’a éclairé sur la réalité du mal, elle a renouvelé mon enracinement dans le Christ et dans sa puissance de guérison. Ma maladie m’est finalement apparue comme un lieu de consolation, en cohérence avec mon engagement dans la Communauté de Vie Chrétienne. J’ai senti quelqu’un me dire : «Avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile » (2Tm 1,8).
Après quatre mois d’examens, j’ai été opéré en décembre 2018 à l’hôpital Laquintinie de Douala, afin que soit stoppé le gonflement de plus en plus douloureux de ganglions à la base du cou. Plus tard, des spécialistes ont établi qu’il s’agissait d’un lymphome de Hodgkin¹, ce qui m’a amené à subir une chimiothérapie et une radiothérapie, tout en tirant profit de la pharmacopée traditionnelle africaine et des conseils de nutritionnistes.

Soupçon de maléfices
Pour les médecins, ma maladie était due à un dysfonctionnement cellulaire. Mais des personnes de mon entourage ont attribué ce cancer à un ensorcellement. Un ami ­catholique a même parcouru 300 km pour me confier des « révélations » entendues à mon sujet au cours d’une séance de prière dans un groupe qu’il fréquentait : « Il s’agit de manœuvres maléfiques d’une personne qui t’en veut à mort parce que tu es au courant de certaines mauvaises choses qu’elle a faites et qu’elle craint que tu les dévoiles », m’a-t-il
rapporté. Cette « ennemie » aurait même « bloqué » des proches afin qu’ils ne puissent pas me rendre visite. Selon ces ­­« ­révélations », ce qui me faisait tenir, c’était ma « foi inébranlée » à laquelle je devais continuer de m’accrocher.

J’ai intégré ces affirmations dans ma prière régulière et dans mes échanges avec des personnes de confiance, sans me considérer comme une victime. Même si les psychologues et un spécialiste du ThetaHealin que des proches m’avaient fait rencontrer admettaient également la possibilité d’un ensorcellement, je suis demeuré dans la conviction que, pour un disciple de Jésus, toute souffrance a un sens qu’il lui faut chercher, ­assumer et peu à peu transformer en un « fardeau léger » (Mt 11,30).

La proximité des frères et sœurs
La proximité de vrais frères et sœurs a contribué à me faire chercher et trouver Dieu dans la maladie. Ainsi, après mon opération, un collègue de l’université de Douala m’a envoyé des paroles de consolation : « Cette maladie ne mène pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu : afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle » (Jn 11,4). J’ai vécu une même proximité avec les soignants (catholiques et adventistes), avec ma famille, mes amis, les membres de ma paroisse et de CVX…
Cela m’a permis de mesurer la force thérapeutique de la compassion. J’attribue à l’Esprit
Saint le discernement judicieux d’un médecin catholique, qui aura été pour moi un accompagnateur avisé tout au long de mon parcours médical. Il m’a d’ailleurs confié à l’intercession du premier baptisé catholique de notre pays, Ludwig Johann Maria Andreas Kwa Mbange
³. Un matin devant le Saint Sacrement, la contemplation de mon histoire m’a fourni une clé de lecture à travers une coïncidence de dates entre mon opération (le 4 décembre 2018) et mon engagement permanent dans CVX (le 4 décembre 2016) : ma souffrance m’apparaissait comme une consolation douloureuse après mon choix de suivre le Christ dans la Communauté de Vie Chrétienne.
Une autre coïncidence de dates m’est ­apparue significative. Le 4 décembre 2021, je me suis retrouvé à accompagner un membre de CVX pour une messe d’action de grâce célébrant sa guérison d’un cancer après un long traitement, dans la paroisse où j’avais prononcé mon engagement permanent dans la Communauté. Cinq ans plus tard, jour pour jour, j’étais appelé à lire la parole de Dieu au cours de cette messe d’action de grâce, après ma propre guérison d’un cancer ! Or, ce membre de CVX guéri avait été un des lecteurs de la parole de Dieu au cours de la messe de mon ­engagement…

Contempler la Passion et la mort du Christ
À travers la contemplation de la Passion et de la mort du Christ (telle que saint Ignace de Loyola la propose pendant la troisième semaine des Exercices spirituels), ma maladie m’est apparue comme une manière de « compléter en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps, qui est l’Église. Car je suis devenu ministre de lÉglise, en vertu de la charge que Dieu m’a confiée, de réaliser […] l’avènement de la parole de Dieu » (Col 1,24). En m’appuyant sur le Christ, il m’a été donné la sagesse et la force de m’affranchir d’un certain nombre de « raisonnements qui plongent le cœur sans intelligence dans les ténèbres » (Rm 1,21). Affrontant le regard des autres sur mon cancer, j’ai senti que je devais me battre pour demeurer fidèle à l’espérance liée à la foi en Dieu, dans la perspective d’une conversion permanente, pour vivre ma vocation et ma mission CVX. Pendant ce temps de maladie puis de convalescence, trois membres de CVX m’ont invité à être le parrain de leur engagement permanent, ce qui a consolidé en moi la joie de transmettre le témoin à d’autres.
Enfin, ma maladie et son traitement m’ont fait prendre conscience du mystère de mon corps en tant que réalité merveilleuse à ­laquelle je n’avais pas été très attentif jusque-là. J’ai davantage réalisé que la dignité que notre chair humaine a acquise par le mystère de l’Incarnation est un trésor qu’il convient de célébrer et de préserver avec vigilance, ­intelligence et amour. J’ai été encouragé à redécouvrir mon corps comme « temple de
l’Esprit Saint » !


Thomas Théophile Nug Bissohong,
CVX au Cameroun

¹  Cancer du système immunitaire.
² Le ThetaHealing est une médecine douce non prouvée scientifiquement recourant aux ondes
cérébrales thêta.
³ Ce Camerounais (1873-1932) est reconnu comme le premier catéchiste du pays.

Dans le cadre de notre partenariat, retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le n° 284  de Christus : bit.ly/4haiYPT

Thomas Théophile Nug Bissohong est responsable de l’équipe de coordination de la région CVX Afrique et Îles adjacentes. Spécialiste de littérature et de civilisation africaines, il est enseignant-chercheur à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’université de Douala (Cameroun).


La maladie est apparue comme une manière de compléter en sa chair la Passion du Christ.

Copyright : © Philippe Lissac / Godong
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