Impression Envoyer à un ami
Air du temps - Revue N°92 - Mars 2025

La synodalité a besoin d’ignatiens

Pour « chercher un consensus qui fasse brûler les cœurs », le Synode sur la synodalité a encouragé la pratique, à tous les niveaux de l’Église, de la « conversation dans l’Esprit » bien connue des ignatiens. Mais il faut y former les chrétiens… Un appel pour la Communauté de Vie Chrétienne ?

Le 27 octobre dernier s’est achevé le Synode sur la synodalité, intitulé « Pour une Église synodale : communion, participation, mission », qui s’est déroulé de 2021 à 2024 en plusieurs étapes locales, continentales et romaines. Parmi les 365 membres votants qui ont participé aux deux sessions d’un mois (octobre 2023, puis octobre 2024), ainsi que parmi les facilitateurs et les experts, la joie a été palpable tout au long de cette expérience humaine, d’une incroyable richesse du fait des rencontres entre délégués de tous pays, langues et cultures. Ce fut aussi une expérience spirituelle profonde.

Pour vivre l’unité dans la diversité
Ce synode peut se recevoir comme un chemin pour vivre l’unité dans la diversité et travailler à l’unité dans notre monde si divisé et polarisé. Et ce, en pratiquant la « conversation dans l’Esprit¹ » (aussi appelée conversation spirituelle) et l’écoute mutuelle, bien connues dans la Communauté de Vie Chrétienne. Cette expérience spirituelle est ainsi devenue le modèle de ce que l’Église est appelée à vivre dans son fonctionnement quotidien. La conversation dans l’Esprit se répand désormais un peu partout, dans la pratiquedes paroisses, des communautés
religieuses, des mouvements et organismes d’Église, y compris dans les dicastères de la Curie romaine. Quelles que soient les cultures où elle a été expérimentée, elle porte du fruit, et ceux qui l’ont essayée l’adoptent.

Le but est de prendre des décisions selon un style caractérisé par une «participation la plus large possible» (n° 87 du Document final) en faisant appel à tous les dons que le Seigneur distribue dans l’Église. L’enjeu est de mettre en œuvre pour la mission ces processus de discernement ecclésial, qui sont enracinés dans le sensus fidei communiqué par l’Esprit à tous les baptisés : « Sur la base du discernement, la décision appropriée mûrira. Elle engage l’adhésion de tous, y compris de ceux dont l’opinion n’a pas été acceptée, ainsi qu’un temps de réception par la communauté, qui pourra conduire, par la suite, à des vérifications et des évaluations» (n° 84). Les membres de la CVX y reconnaîtront une manière de faire déjà familière. 

Afin d’introduire cette nouvelle manière de prendre des décisions dans toutes les instances ecclésiales, l’enjeu est de former tous les chrétiens, en priorité ceux qui sont en responsabilité pastorale, à l’écoute et au discernement. La Communauté de Vie Chrétienne, comme tous ceux qui ont déjà l’habitude de ces approches, pourra sûrement contribuer à cela dans les Églises locales.
Un autre point important et novateur du Synode est l’appel à développer une culture de la transparence, du rendre compte et de l’évaluation. «La confiance doit être mutuelle : ceux qui prennent les décisions doivent pouvoir faire confiance au peuple de Dieu et l’écouter. Celui-ci à son tour doit pouvoir faire confiance à ceux qui exercent l’autorité. S’engager dans de tels processus décisionnels fondés sur le discernement ecclésial exige une formation adéquate, capable d’explorer les fondements théologiques, bibliques et spirituels de ces pratiques. Tous les baptisés ont besoin de cette formation au témoignage, à la mission, à la sainteté et au service, qui mette en relief la coresponsabilité. »

Ainsi, la formation est présentée comme pilier de la transformation synodale. La perspective est de former un peuple de disciples missionnaires. La vision est celle d’une formation « intégrale, continue et partagée» pour tous. Son but «n’est pas seulement l’acquisition de connaissances théoriques, mais la promotion de capacités d’ouverture et de rencontre, de partage et de collaboration, de réflexion et de discernement en commun, de lecture théologique des expériences concrètes. Elle doit donc interpeller toutes les dimensions de la personne (intellectuelle, affective, relationnelle et spirituelle) et comprendre des expériences concrètes accompagnées correctement²» (n° 143). Tous sont invités à participer ensemble à cette formation – hommes et femmes, laïcs, consacrés, ministres ordonnés et candidats au ministère ordonné – afin de grandir dans la connaissance et l’estime réciproques, et de ce fait dans la capacité à collaborer. Cela requiert la présence de formateurs compétents, capables de confirmer par leur vie ce qu’ils transmettent par leurs paroles : ce n’est qu’ainsi que la formation sera vraiment transformatrice et pourra porter du fruit.

Cet appel s’adresse aussi à la CVX.


Les six clés d’un discernement ecclésial
« Les étapes du discernement ecclésial peuvent être articulées de différentes manières, selon les lieux et les traditions. Cependant, sur la base de l’expérience synodale, il est possible d’identifier certains éléments clés qui ne doivent pas être oubliés :
  1. la présentation claire de l’objet du discernement et la mise à disposi­­tion d’informations et d’instruments ­adéquats pour sa compréhension ;
  2. un temps convenable pour se préparer par la prière, l’écoute de la parole de Dieu et la réflexion sur le sujet ;
  3. une disposition intérieure de liberté à l’égard de ses intérêts personnels et collectifs, et unengagement dans la recherche du bien commun ;
  4. une écoute attentive et respectueuse de la parole de chacun ;
  5. la recherche d’un consensus le plus large possible, qui émergera à travers ce qui fait le plus brûler les cœurs (cf. Lc 24, 32), sans masquer les conflits ni chercher des compromis au rabais ;
  6. la formulation, par celui qui conduit le processus, du consensus obtenu, et sa présentation à tous les ­participants, afin qu’ils manifestent s’ils s’y reconnaissent ou non.
Sur la base du discernement, la décision appropriée mûrira. Elle engage l’adhésion de tous, y compris de ceux dont l’opinion n’a pas été acceptée, ainsi qu’un temps de réception par la communauté, qui pourra conduire, par la suite, à des vérifications et des évaluations. »

Document final, no 84

Nathalie Becquart,
Xavière
 
¹ Méthode de discernement en groupe, dans la prière, développée dans la spiritualité ignatienne, et pratiquée pour les travaux du Synode. Elle consiste, sur une question, à écouter d’abord chacun s’exprimer dans un temps limité ; puis, chacun réagit à ce qui vient d’être dit. De la troisième étape – un échange libre – émerge souvent « une direction précise, souvent inattendue » (Instrumentum laboris, n° 33).
² Voir le Document final en français: bit.ly/4hB2LD7

Sous-secrétaire du Synode sur la synodalité, avec droit de vote (première pour une femme), Nathalie Becquart était précédemment responsable du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations à la Conférence des évêques de France.


Les travaux du Synode sur la synodalité se sont appuyés sur la « conversation dans l’Esprit ».

Copyright : © Jesuit.Media General Curia Communications Office, Photo : Vivian Richard

Télécharger la revue n° 85 gratuitement
La revue n° 85 sera disponible dans votre dossier Téléchargements
Pour télécharger une autre revue, cliquez sur l'image de la revue souhaitée ci-dessous.

Le produit a été ajouté au panier

Voir mon panier