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Repères ignatiens / Repères ecclésiaux - Revue N°90 - Novembre 2024
Jésus Christ, le « passeur »
Depuis sa fondation, lʼÉglise ne cesse de transmettre la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité. Elle le fait à la manière de Jésus qui a transmis aux plus fragiles la foi en un Dieu qui aime toute lʼhumanité.Le Dieu auquel nous croyons prend le risque de la transmission. Paul, qui a vu le visage du Christ sur la route de Damas, peut dire : « Je vous ai enseigné avant tout, comme je l’avais aussi reçu, que Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures » (1Co 15,3). Cette rencontre l’a dépossédé de lui-même, l’a transformé, lui « l’avorton de Dieu » (1Co 15,8), au point d’en faire un apôtre zélé de Jésus Christ.
La transmission déplace à la fois l’émetteur et le récepteur. Le message fait vivre celui qui le transmet, saisi par la parole qui vient à lui. En l’accueillant et en se l’appropriant, le récepteur se laisse agir. La transmission grandit avec ceux qui transmettent. Elle engendre une histoire, une communauté de foi qui publie le récit de Jésus, au cœur du récit biblique. Elle est plurielle : transmission par le texte, par la communauté, par les témoins. La transmission de la Bonne Nouvelle, l’amour de Dieu pour chacun de nous, tel est le sens de l’Incarnation. Jésus est le « passeur de Galilée¹ » puisque Lui seul engendre la foi en la vie chez ceux qui L’écoutent.
En devenant le message
Comment transmettre ? En devenant le message transmis. Pour Jésus, transmettre commence par la restauration de la confiance de l’homme en l’homme, qui peut ainsi demander à un autre et croire que ce dernier peut répondre. Voilà pourquoi Jésus se tourne vers les personnes mises à mal, vers ceux qui ont du mal à affirmer la foi en la vie. Si personne ne peut croire en la vie à la place d’autrui, il est parfois nécessaire qu’une parole extérieure soit dite, comme celle que Jésus renvoie à ses interlocuteurs. Cette parole souligne la foi de celui qui se croyait en situation désespérée et lui confirme que cette foi est déjà à l’œuvre en lui. « Ta foi t’a sauvé », dit-Il à l’aveugle sur le chemin de Jéricho (Mc 10,52), à la femme qui touche les franges de son manteau (Lc 8,48), au Samaritain qu’il vient de guérir (Lc 17,19). La démarche se poursuit par le don de soi, l’ouverture à l’autre et l’acceptation du partage. Avec le récit du Lavement des pieds (Jn 13,2-10), l’évangéliste nous donne à voir Jésus aux pieds de ses Apôtres. Laver les pieds de ses disciples exprime parfaitement, à cet instant précis, ce que Dieu fait pour l’homme en s’incarnant et en mourant pour lui. Dans ce geste, que Jésus nous invite à reproduire, Il transmet ce qu’Il est.
Que transmettre ? La vie, la foi en la vie, la foi en ce qui donne la vie, et pourquoi pas la foi en un Dieu qui nous aime. « Heureux ceux qui… » : par neuf fois, dans les Béatitudes (Mt 5,1-12), Jésus dit la joie de Dieu de voir les hommes accéder au bonheur. « La première louange rendue à Dieu, c’est d’être heureux, de reconnaître son bonheur². » Par chacune des Béatitudes, Jésus définit des catégories de bénéficiaires du bonheur : les pauvres de cœur, les doux, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de justice, les miséricordieux, les cœurs purs, ceux qui font œuvre de paix, ceux qui sont persécutés. À la joie, signe de la présence de Dieu reconnue, s’ajoutent des bienfaits : le royaume des cieux est à eux, la terre leur sera donnée en partage, ils seront rassasiés, ils seront pardonnés, ils verront Dieu, ils seront appelés fils de Dieu. Dieu donne au-delà de nos aspirations, par-delà nos désirs si intenses soient-ils.
© Musée San Marco de Florence.
Transmettre la Bonne Nouvelle, c’est entrer et faire entrer dans la joie (fresque de Fra Angelico, 1400-1455).
Une promesse qui sera tenue
Pour captiver son auditoire, Jésus part de la réalité humaine la plus commune : être triste, malheureux, indigné, révolté, en attente d’une parole, d’un pardon, d’un monde plus juste ou moins violent, en attente de Dieu. Et Il promet le Royaume. « Les Béatitudes sont grâce et don, promesse et exigence³. »
Pourquoi transmettre ? Pour entrer et faire entrer dans la joie, fruit de la transmission. Parce que Jésus accède au désir de ceux qu’Il rencontre dans un authentique dialogue de vérité, ils sont restaurés du dedans. Seul Dieu peut dire et garantir à quelqu’un que sa vie est une promesse qui sera tenue, le dire de toute vie humaine.
Vivre les Béatitudes, c’est ressembler davantage à Jésus. Car Lui seul les a vécues parfaitement. Jésus s’est fait pauvre, Lui qui n’avait « nul endroit où reposer la tête » (Mt 8,20), Lui qui attendait toute sa vie du Père. Jésus s’est fait doux et humble de cœur et Il a reçu, à la Résurrection, la terre entière en partage. Jésus a pleuré sur Jérusalem, et dans Jérusalem Il a été consolé au matin de Pâques. Jésus a eu faim et soif de justice et Il a été rassasié. C’est Lui notre justice. Jésus a pardonné à tous. À Judas même, Il a dit « mon ami » (Mt 26,50). Il est devenu pardon pour quiconque croit en Lui. Jésus avait le cœur pur. Il voyait en tout visage la créature de son Père et en tout homme l’empreinte de son Créateur. Jésus a été artisan de paix « en détruisant le mur de la haine » (Ep 2,14) qui séparait les Juifs et les païens. Jésus a été persécuté et Il est entré le premier dans le Royaume « qui a été préparé pour [nous] depuis la fondation du monde » (Mt 25,34). Jésus s’est réjoui. En Galilée, Il a exulté de joie sous l’action de l’Esprit Saint ; et cette joie, même à Jérusalem, nul n’a pu la lui ravir. Ce bonheur est don de Dieu. Jésus, en nous déclarant heureux, nous fait prendre conscience de notre bonheur. « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11).
Jésus Christ est Celui qui s’efface pour laisser chacun trouver sa place unique en face de Lui et choisir de faire surgir librement la foi en la vie. Il est passeur, choisi par Dieu pour nous permettre d’accéder à son message.
Bénédicte Touchebœuf
¹ « La foi au Christ, transmettre l’intransmissible » in Transmettre, partager des valeurs, susciter des libertés, Christoph Theobald, Semaines sociales de France, Paris, Bayard, 2006.
² « Jubilation », Maurice Bellet, in Christus no 102, avril 1979, p. 153.
³ La Bible et sa culture, tome 2, Jésus et le Nouveau Testament, dir. Michel Quesnel, Philippe Gruson, Paris, éd. Desclée de Brouwer, 2000.
³ La Bible et sa culture, tome 2, Jésus et le Nouveau Testament, dir. Michel Quesnel, Philippe Gruson, Paris, éd. Desclée de Brouwer, 2000.
Historienne, spécialisée en histoire religieuse contemporaine, enseignante à la retraite, membre de CVX, Bénédicte Touchebœuf est la nouvelle responsable des Éditions Vie chrétienne (EVX).
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