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Spiritualité ignatienne - Revue N°92 - Mars 2025
8 bonnes raisons d’oser les Exercices
Comment expliquer à un non-connaisseur le trésor que sont les Exercices spirituels ? Comment lui donner envie d’entreprendre une telle retraite ? Voici un argumentaire bien pensé pour « faire de la pub » à saint Ignace !Il n’est pas toujours facile de faire sentir à quelqu’un qui n’y a jamais goûté l’intérêt de se lancer dans les Exercices spirituels selon saint Ignace. Voici quelques pistes pour donner envie à vos proches de tenter l’expérience.
1- Pour réfléchir avant d’agir
« Vivre les Exercices spirituels » revient à entreprendre une « retraite », c’est-à-dire à « se retirer » de ses engagements, de ses activités, pour « sortir la tête du guidon ». La retraite est un outil pour les personnes d’action. C’est toute la personne, avec son histoire, ses envies, sa capacité et ses limites, qui « se met au vert ». Comme le stratège prend le temps, avant de se lancer dans un combat, d’élaborer son plan et d’étudier le terrain, l’exercitant prend le temps de faire connaissance avec ses forces et ses limites pour mieux vivre son existence à la mesure de lui-même et du Seigneur.
2- Pour s’émerveiller
La matière première d’une retraite est la personne elle-même, avec son passé, son présent et son avenir. Certains redoutent de découvrir sur eux-mêmes « des choses qui ne font pas plaisir ». D’autres craignent le silence ou l’ennui : face à soi-même, ne risque-t-on pas de constater le vide de sa vie, ses insuffisances ? Pourtant, dans une retraite en silence, on vit aussi une forme d’émerveillement discret pour le monde et pour ce que l’on est. En début de retraite, il est capital de se considérer comme une personne « bien », désireuse de faire mieux, comme une personne qui n’a pas été « ratée » par Dieu.
3- Pour s’imprégner de la Bible
Pendant les Exercices spirituels, il est proposé de prendre trois à cinq temps de prière par jour, chacun durant trente minutes à une heure. Au cours de ces temps de prière, on accède à la parole de Dieu. Certes, les histoires de la Bible sont d’un autre temps, d’une autre culture ; les faits racontés et les images utilisées ne sont pas toujours clairs. Paradoxalement, c’est là la force des textes bibliques : nous en sommes tellement éloignés que nous ne pouvons pas vraiment nous identifier à l’un ou l’autre personnage. Les textes sont à comprendre à un autre niveau : celui du mouvement, des transformations intérieures. Ainsi le récit de l’aveugle de Jéricho (Mc 10, 46-52) n’évoque spontanément pas grand-chose à un lecteur du XXIe siècle : il n’est pas à Jéricho, il n’est pas aveugle, il n’est pas devant Jésus… Pourtant, en regardant comment le récit progresse, comment la situation se transforme, ce lecteur moderne va ressentir le cri de l’aveugle, la résistance de la foule, l’attention puis l’appel de Jésus, et enfin son dialogue avec l’aveugle. Il va comprendre intérieurement la transformation de cet homme, qui désormais voit. Ainsi, passer du temps sur ce récit, c’est s’autoriser à percevoir ce que chacune de ses étapes peut inspirer, c’est écouter ce que le Seigneur veut nous dire.
En fait, écouter un texte des Écritures, c’est se mettre à l’affût, tel un promeneur désireux d’entrapercevoir des animaux en forêt. C’est créer les conditions pour guetter les souvenirs, les pensées, les imaginaires qui émergent. Au début, on ne voit que des choses énormes. Puis, peu à peu, on prend conscience de sa sensibilité propre qui est rarement là où on l’attend, on sent des nuances plus fines… Des idées passagères – que l’on censure habituellement – vont émerger. La spécificité d’une retraite ignatienne, c’est qu’elle permet non seulement de « sentir » mais aussi de « goûter ». Comme un plat dont on veut profiter : pour faire durer le plaisir, on garde longtemps sa bouchée, en la laissant déployer toutes ses saveurs.
4- Pour discerner
Être sensible, ouvert au monde, mais en vue de quoi ? Si l’on veut « piloter » sa vie, il faut une certaine visibilité. La sensibilité accrue va justement permettre d’affiner les désirs et les envies de grandeur que l’on porte, ou à l’inverse les obstacles et les résistances auxquels on se heurte. Pour répondre à cette question du sens de sa vie, il n’y a aucune évidence : ma vie et ma personne se présentent à moi comme une enquête. Dieu laisse des indices de ce qui rend heureux, mais ne donne pas de réponse toute faite. Mieux percevoir les indices aide donc à mieux formuler des hypothèses de sens. Tel personnage biblique m’a plu ou ému ? Je porte donc un point commun avec lui ; lequel ? Tel épisode de ma vie remonte ? Il m’indique quelque chose à développer ou à modérer.
Dieu, dans cette enquête, offre des critères fiables : la paix, la joie et la tranquillité durables. Ces états intérieurs indiquent que le chemin emprunté va vers plus de vie, plus de charité… Bref, qu’il est avec Dieu. À l’inverse, le trouble, la tristesse, l’inquiétude révèlent que le chemin emprunté s’éloigne de Dieu.
Plus vite on est capable de détecter ces différences, plus vite on peut accueillir les premiers mouvements intérieurs et rejeter les seconds. Là réside le fameux discernement, et là est le principal profit à tirer des Exercices spirituels pour choisir sa vie à la suite du Christ.
5- Pour être guidé
Alors qu’en science, on passe beaucoup de temps à chercher le protocole d’une expérience, avec la tradition ignatienne le protocole existe déjà, et l’accompagnateur (laïc, prêtre ou religieux(se) qui suit le retraitant) en est le garant. La méthodologie est précise, et progressive. L’accompagnateur propose une méthodologie simple de prière, en demandant de commencer à l’heure, de finir à l’heure, de trouver la bonne position, de se concentrer sur ce que l’on demande et exprime au Seigneur. Chacun de ces conseils vise à permettre de « sentir » toujours mieux – en apprenant à entendre le Seigneur dans les petites choses – et donc à être piloté de manière plus ajustée.
6- Pour entrer dans une progression souple
L’accompagnateur guide aussi la navigation libre dans cette répartition du temps en quatre « semaines ». Ignace a, en effet, pensé la structure de ses Exercices sur trente jours. Mais désormais, ceux-ci peuvent se vivre sur un temps plus court de huit jours, voire de cinq jours. Quelle que soit la durée des Exercices, ce qui compte, c’est la rencontre répétée avec le Seigneur et non la technique. D’où la grande variété d’options et de manières de vivre les Exercices qui s’est développée dès l’origine.
Tout comme Ignace, l’accompagnateur propose une pédagogie du chemin où ce qui compte n’est pas tant le point d’arrivée que le mouvement. En première « semaine », il s’agit de « sentir » que l’on est aimé de Dieu alors même que l’on n’est pas un partenaire très fiable de cet amour. C’est ce que l’on appelle classiquement la prise de conscience de son péché.
Au cœur de la deuxième semaine se trouve la méditation sur l’Incarnation du Christ : Il a fait le premier pas en venant vers l’humanité, et plus particulièrement vers moi. Bien souvent, s’approcher de Jésus et de sa route sur terre est assez éclairant. Cela donne des idées qui sont à « ordonner », à mettre au propre. Ce sera le temps de la décision.
Lors de la troisième semaine, Ignace invite à suivre le Christ dans sa Passion. Ce temps d’épreuve et de vertige révèle la vulnérabilité de Jésus, mais aussi la nôtre ; il éprouve notre détermination. Tous les personnages de la Passion sont ainsi considérés : Pierre, le traître pleutre ; Judas, le traître actif ; Marie, atteinte mais toujours fidèle ; le Christ et ses angoisses…
Enfin, en quatrième semaine, on va vers la Résurrection, à savoir la sortie par le haut. Après l’horreur de la Croix, que reste-t-il ? Qu’y a-t-il de persistant ?
7- Pour porter du fruit
On affirme souvent que les Exercices selon saint Ignace aident à « ordonner » sa vie. Comment ? À partir du moment où le discernement se fait entre des choses bonnes, mettre de l’ordre signifie classer dans l’ordre de préférence ce que l’on souhaite vivre, qu’il s’agisse d’attitudes de fond, de projets, de priorités… Cela oblige à sortir de l’opposition binaire du « ou » pour entrer dans la complexité du « et ». On peut être généreux « et » soucieux de se préserver pour durer, le tout étant de savoir quelle priorité on donne à ces deux attitudes qui sont bonnes en soi. Chacun inventera sa réponse et la vie qui va avec : certains donneront avant de se reposer ; d’autres se reposeront pour bien donner. La bonne réponse est celle qui porte des fruits, qui seront repérés grâce à cette sensibilité affinée pendant les Exercices.
8- Pour mieux combattre
Les Exercices ne sont qu’un début. Ils remettent à leur juste place les pensées, les désirs, les affects : ceux qui viennent de Dieu retrouvent leur saveur ; ceux qui viennent de l’Ennemi se révèlent mensongers et trompeurs. Après les Exercices, on retrouve souvent du goût pour la prière quotidienne, parce que l’on est plus fin dans sa manière de voir passer Dieu ou l’Ennemi, et parce que l’on est un combattant plus alerte, plus vif. Et parce que l’on fait l’expérience que le Christ vient à nous tels que nous sommes.
Bref, pour savoir ce que sont les Exercices spirituels, il faut tenter l’expérience. Celle-ci attire autant qu’elle effraie… À chacun d’écouter, dès maintenant, la voix de l’audace mêlée à celle de la prudence.
Benoît de Maintenant sj
Benoît de Maintenant a découvert les Exercices spirituels à 26 ans, alors qu’il travaillait dans l’audit. Il a alors décidé d’entrer dans la Compagnie de Jésus. Ordonné prêtre en 2017, il a prononcé ses derniers vœux le 29 décembre 2024. Il est responsable du Service jésuite des vocations.

Le Christ guérissant l’aveugle-né (détail), vers 1650, Eustache Le Sueur, musée de Postdam.
Copyright : © akg-images / Erich Lessing

La retraite en silence, une occasion de s’émerveiller.
Copyright : © CVX-LU / Edith Schuller-Kieffer
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