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Témoignages - Revue N°94 - Septembre 2025
« Vivre sa maladie dans la paix »
Noëlle Faubry est membre de la CVX en France. Elle a participé à l'animation de l’atelier « Communion des ébranlés » avec Marie-Hélène Boucand, au Congrès de la Communauté de Vie Chrétienne de Strasbourg 2025. Elle témoigne.J’ai rencontré la communion des ébranlés très peu de temps après sa création par Marie-Hélène et Vianney.
Appelée en soutien de l’équipe d’animation lors de la première session pour y proposer des activités créatives.
Me suis sentie très peu légitime au départ.
Je n’étais porteuse d’aucune maladie grave et n’avais pas traversé les épreuves décrites par les compagnons de la session. Quoique… une autre expérience me permettait de les comprendre : celle de la perte accidentelle d’un grand fils quelques années auparavant. Ce deuil qui m’habitait me parlait des pertes décrites par les participants : je me sentais ébranlée moi aussi. Et c’est avec joie que j’ai continué à essayer de soutenir, avec et par ma bonne santé, l’équipe de la communion des ébranlés.
Comme je suis consciencieuse, j’ai fini par déclarer il y a un an et demi, un cancer. Un grave : pancréas, de stade 4. Je faisais finalement donc bien partie de la communion des ébranlés…
Parmi nous, certains sont bien plus gravement attaqués par la maladie, et leur témoignage de vie m’impressionne et me touche beaucoup : les tempêtes, angoisses, solitudes dont ils témoignent m’ont plutôt épargnée, mais j’ai pu traverser certaines des étapes qu’ils avaient pu décrire.
J’ai eu beaucoup de chance car j’ai pu vivre en paix cette période, jusqu’à aujourd’hui où l’on m’annonce une rémission.
De quoi cette paix s’est-elle nourrie ?
J’ai toujours senti un très fort soutien de tous les membres de la communion des ébranlés. Très particulièrement par le biais de notre groupe WhatsApp, dont la vocation première a été d’échanger, au moment du geste de paix de la messe télévisée, une parole porteuse de paix pour les frères et sœurs coincés eux aussi chez eux devant la TV par la maladie. Ce groupe est rapidement devenu un circuit d’échanges quotidien de nouvelles, de petits et grands émerveillements, d’appels au secours…
Plus largement, c’est un lieu pour parler de cette maladie qui nous tombe dessus. Tout de suite. Appeler au secours est une des choses qui m’ont aidée à garder la paix vivante en moi. Demander de l’aide avec simplicité ne m’a pas toujours été très facile car c’était reconnaître que je ne pouvais plus faire, et particulièrement plus faire à MA manière ! Le plus dur étant de voir galérer mes proches, fatigués, pas habitués, et tâtonnant face à certaines tâches si automatiques pour moi, les voir parfois découragés par le cumul travail, maison, soins, conduites…C’était particulièrement vrai de mon mari, Éric…
Mais ça a été la source de belles et douces rencontres ou retrouvailles. Essayer de lâcher la culpabilité ou l’agacement pour vivre une grande gratitude. Et savourer l’immense prix de l’amour conjugal, familial, amical et la présence attentive de la CL ; des enfants qui se rendent si présents. Vivre l’urgence d’être ensemble mais en choisissant la joie, pas la peur.
Puisque l’on parle du rapport avec les autres, je voudrais insister sur le fait que pour se sentir en paix, il est important, dans l’épreuve plus encore, de sentir ce qui est juste pour soi, et d’essayer de vivre au maximum en suivant cette intuition. Même si autour de nous ce n’est pas compris. C’est notre corps, notre santé mentale ! Les autres ne peuvent comprendre par quoi l’on passe, ni ce qui nous aide, c’est à nous de leur expliquer, à la fois défendre nos choix, et aider à comprendre, patiemment.
Œuvrer à faire revenir de la vie sauvage dans mon jardin en a été une autre : être témoin que la vie pouvait gagner sur la mort, a été à chaque petite étape, une victoire que mon corps enregistrait pour lui-même. L’apparition d’une orchidée sauvage dans la pelouse non tondue, ou d’un lièvre entre les herbes hautes…
Être malade occupe beaucoup plus qu’on ne pourrait l’imaginer. Mais tous les temps où j’ai dû rester allongée m’ont aussi donné l’opportunité de prier sans me presser, et particulièrement de relire mes journées avec le Seigneur : occasion de recueillir tellement de fruits, de repérer tellement de signes d’amour ou de grâce !
Et dans les moments de découragement ? Par exemple la biopsie après l’annonce de la maladie. Solitude et douleur en salle de réveil. Me suis abandonnée aux larmes avec l’infirmière de garde pas disponible mais bienveillante. J’en garde après coup la douceur de ses quelques mots réconfortants, bien plus que le souvenir de la peine.
Je constate que dans mes relectures revient constamment l’étonnement émerveillé devant la gentillesse du personnel hospitalier, des proches ou des rencontres de hasard.
Ainsi que la douceur de soutenir mes « collègues » de salle d’injection du service de chimio, souvent très abattues : les petites victoires partagées dans un rire, les « trucs » qui facilitent nos vies de malades, et surtout l’écoute, l’écoute…
La paix est contagieuse !
Et il est nécessaire de trouver des manières concrètes de rendre solide cette paix intérieure : j’ai décidé dès le départ de tout faire pour me faire du bien : en plus de la chimiothérapie prescrite par le médecin et avec son soutien : un suivi psychologique, l’activité physique adaptée, la naturopathie, des massages, du reiki, l’acupuncture, … portée en cela par les conseils puisés dans un livre qui a été le pilier de ma tente durant toute ma maladie : Les 9 clés de la rémission par Kelly Turner. En particulier parce qu’elle y recueille les très nombreux témoignages de malades qui ont guéri alors que la médecine ne pouvait plus rien pour eux : ça m’a donné la certitude qu’il fallait essayer de rendre ça possible pour moi, alors que justement la médecine avait tellement peu de chances de pouvoir me guérir ! J’ai choisi de faire confiance. C’est une vraie décision, porteuse de paix ! Et ce n’est pas un combat, c’est le contraire : c’est de dire à la maladie : OK, tu es là et j’entends que ça me dit quelque chose de ma vie jusqu’à présent. Maintenant j’ai compris, tu peux partir…
La dernière source de paix, dont je voulais vous faire part, a été le sacrement des malades vécu à plusieurs, face à la mer, un soir de la session des ébranlés, à Penboc’h. Les gestes infiniment doux, respectueux et aimants pour chacun, du jésuite qui célébrait, les paroles de mes compagnons, la magnifique musique proposée par l’une d’elle, musicienne en souffrance de création… tout était empreint de paix. Nous étions, ensemble, emplis de gratitude émerveillée. Le Seigneur était là et nous enveloppait de sa tendresse.
À des personnes familières de la spiritualité ignatienne, malades ou pas, je crois que cette expérience peut parler : ce cadeau reçu, d’avoir pu, à travers particulièrement l’outil de la relecture, voir Dieu agir dans ma vie, prendre soin de moi au quotidien et inlassablement me proposer de « choisir la vie » !
Noëlle Faubry
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