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Véronique WESTERLOPPE

Marie de Magdala : la disciple fidèle

Décrite par saint Luc comme disciple et compagne de la prédication de Jésus et de ses apôtres, Marie de Magdala n’apparaît qu’au pied de la Croix chez les autres évangélistes. Fidèle au-delà de la mort, elle est serviteur de la Bonne Nouvelle de la Résurrection.



Dans l’évangile de Luc, Marie de Magdala (1) est présente très tôt dans la vie publique de Jésus. Elle fait partie d’un groupe de femmes « qui avaient été guéries d’esprits mauvais et de maladies » accompagnant Jésus et les Douze « à travers villes et villages  prêchant  et   annonçant la Bonne  Nouvelle  du  royaume de Dieu » (Luc 8,1-3). Exorcisée de sept démons, Marie fait donc partie de l’entourage féminin de Jésus et des Douze, l’assistant de ses biens avec Jeanne, Suzanne et plusieurs autres. Elle semble être galiléenne, de la petite bourgade de Magdala, située au bord du lac de Tibériade. Sa présence aux premières heures du ministère de Jésus fait d’elle une disciple fermement attachée à celui qu’elle ne quittera plus jusqu’à la Résurrection. Elle est également une compagne fidèle aux côtés des apôtres et de nombreuses femmes, partageant à sa manière l’amour du maître, le quotidien et la mission de la communauté réunie autour de Jésus.
 
A La Croix et au tombeau

Chez Matthieu, Marc et Jean, Marie de Magdala n’apparaît qu’au pied de la Croix : « Il y avait là de nombreuses femmes qui regardaient à distance, celles-là même qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et le servaient, entre autres Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée » (Mat- thieu 27,55-56 et Marc 15,40 ; Luc 23,49 ; Jean 19,25). Alors que tous les hommes, Pierre le premier, ont fui et abandonné Jésus à l’heure de la Passion, Marie de Magdala, avec quelques autres femmes, partage le destin de son Seigneur jusqu’au bout.

Son attachement et sa fidélité vont même au-delà de la mort puisque les auteurs des évangiles synoptiques racontent qu’elle est celle qui se hâte, avec les mêmes femmes, vers le tombeau pour em- baumer le corps de Jésus : « Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller oindre le corps. Et de grand  matin,  le  premier  jour  de la semaine, elles vont à  la  tombe, le soleil s’étant levé » (Marc 16,1 et Matthieu 28,1 ; Luc 24,10). Au matin de Pâques, Jésus apparaît d’abord aux saintes femmes dont elle fait partie : « Et voici que Jésus vint à leur rencontre : « Je vous salue », dit-il. Et elles de s’approcher et d’étreindre ses pieds en se prosternant devant lui » (Matthieu 28,9). Au retour du tombeau, Marie de Magdala devient, avec ses compagnes, messagère de la Résurrection auprès des apôtres qui refusent d’ajouter foi au témoignage de ces dernières (Luc 24,9-11 ; Marc 16,10-11 ; Matthieu 28,10.17). C’est dire l’importance de la Magdaléenne et des femmes dans la première communauté chrétienne !

Selon l’évangéliste Jean

Selon saint Jean, Marie de Magdala bénéficie d’une apparition tout à fait particulière que l’évangéliste raconte longuement tel un chemin de reconnaissance progressive du Ressuscité, de la désolation à la consolation de la foi (Jean 20,11-18).
Saint Jean concentre et singularise l’expérience des saintes femmes des évangiles synoptiques sur la figure unique de Marie de Magdala. Si l’évangéliste fait ce choix, c’est qu’il a une intention qu’il convient de mettre à jour. Le projet de Jean est en effet de soutenir la naissance de la foi en la Résurrection des premiers chrétiens dans un contexte où il n’y a plus de témoins oculaires, plus d’apôtres bénéficiaires de visions du Ressuscité, pour en parler. Écrit à la fin du Ier siècle, l’évangile de Jean est le plus tardif. Le chemin de foi en la Résurrection que fait Marie de Magdala doit pouvoir servir de point d’appui aux premières générations de chrétiens pour fonder leur foi en Jésus ressuscité. Comment Marie passe-t-elle de la disciple éplorée devant le tombeau vide au statut d’apôtre des apôtres, serviteur de la Bonne Nouvelle ?

A l’extérieur du tombeau vide, Marie la Magdaléenne se positionne en dehors du mystère. Ses pleurs voilent son regard et le tombeau est pour elle le lieu de l’absence radicale de son bien-aimé. Debout, dans une position statique, elle est enfermée dans le deuil sans changement possible par ses propres forces. Elle pleure du chagrin annoncé par Jésus lors de son discours d’adieu, parlant de sa disparition : « Vous aussi, maintenant vous voilà tristes » (Jean 16,22a), empêchée de vivre la promesse de ce dernier dans ce même discours : « Mais je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera » (Jean 16,22b).

Deux anges interpellent Marie

Marie se penche vers l’intérieur du tombeau et « contemple » deux anges en vêtements blancs, encadrant le lieu où gisait le corps de Jésus. Le mystère de la Résurrection lui sera-t-il donné à comprendre de l’extérieur, c’est- à-dire par ces anges ? Ceux-ci relèvent de la symbolique apocalyptique (Daniel 7,9), ils ont pour rôle de faire entrer plus avant Marie dans la « révélation » (apokalupsis) en l’interpellant sur ce qu’elle croit à ce moment-là : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne  sais  pas  où  on l’a mis » (Jean 20,13) et en la préparant à la rencontre avec le Ressuscité. Ils sont l’irruption de Dieu dans le monde du créé et attestent la gloire de Jésus comme Fils de l’homme (Jean 1,51). Leur fonction est d’accommoder le regard de Marie pour qu’elle puisse s’ouvrir, quand Jésus se révélera à elle, à la nouveauté de l’événement de la Résurrection. Mais pour le moment, comme les disciples d’Emmaüs chez Luc, les yeux de la Magdaléenne sont encore empêchés de voir avec clarté et d’interpréter le vide du tombeau.

Dans la suite du récit, les anges ont disparu et Jésus intervient pour la première fois par sa présence face au tombeau. Le récit nous dit alors que Marie « fut tournée vers l’arrière et elle voit Jésus qui se tenait là mais elle ne savait pas que c’était lui » (Jean 20,14). Ce mouvement de retournement (un passif divin : « elle fut tournée vers l’arrière » – par l’action de Dieu) indique que quelque chose va être donné à Marie et que, comme les anges le signifiaient, Jésus n’est plus dans le tombeau. Jésus se tient debout dans la position du Ressuscité mais la reconnaissance nécessite une conversion pour ouvrir les sens et l’intelligence de Marie à ce qui la dépasse. Cela est de l’ordre du don de Dieu.
Jésus qui n’est pas encore reconnu pose à Marie de Magdala la même question que les anges : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » et il en ajoute une : « Qui cherches-tu ? » (Jean 20,15). Cette dernière question fait écho à la première parole de Jésus dans l’évangile de Jean, adressée à ses futurs disciples :
« Que cherchez-vous ? » (Jean 1,38). Par celle-ci, Jésus s’était adressé au désir profond et à la quête de sens de ses futurs disciples. Ceux-ci pressentaient qu’en Jésus demeure la vie véritable, en plénitude. C’est cette même quête qui fonde l’attachement de Marie la Magdaléenne à Jésus. C’est pourquoi le Ressuscité s’adresse à elle ainsi, avec ces mêmes mots, transfigurés par la Résurrection.

La reconnaissance

Jésus, qui n’est pas encore reconnu, va prendre pour la seconde fois l’initiative en interpellant la Magdaléenne dans sa langue maternelle : « Marie ». Avant qu'elle réponde à Jésus, le narrateur précise que Marie est « retournée » : « Ayant été tournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni »! » (Jean 20,16). Marie fait un pas de plus dans la conversion de son regard. Mais, tout comme Jésus a l’initiative du dialogue, c’est lui qui permet la conversion. Marie a entendu son nom et accède à la reconnaissance, comme les brebis du Bon Pasteur le reconnaissent à l’appel de leur nom (Jean 10,3-5). La relation ainsi restaurée, Marie devient le lieu de la Résurrection. Le Ressuscité est le Ressuscitant. Saint Jean veut nous dire que la foi est un don de Dieu, elle est écoute du nom propre et Alliance intime avec Lui.

Jésus lui dit aussitôt le célèbre :
« Ne t’empare pas de moi ! » (Jean 20,17). Ce qui signifie que Marie ne doit pas chercher à posséder ce qui lui semblait perdu. Jésus n’a pas été enlevé mais il est passé à la condition glorieuse et invite Marie à la mission : « Va trouver mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jean 20,17). De disciple restaurée dans sa foi par le Ressuscité, Marie devient la messagère, serviteur de la Parole en annonçant aux disciples qu’elle « a vu le Seigneur » (Jean 20,18) d’une vision croyante. Compagne des douze, ils forment ensemble, comme frères, la com- munauté de la Nouvelle Alliance, enfants d’un même Père, en une communion retrouvée avec Dieu, par le Christ désormais vivant pour tous et pour tous les temps.
 
 
Véronique Westerloppe
rédactrice en chef
de la Revue Vie chrétienne
 


 (1) Marie de Magdala, souvent assimilée à la figure de Marie-Madeleine, est en réalité l’un des trois personnages qui composent cette figure avec Marie de Béthanie et la pécheresse anonyme.
Crédits photos: © Sedmak / iStock
© Icône peinte par Alain Chenal http://iconesalain.free.fr
 

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