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Pascal GAMBIEZ

Devenir frère

Bénévole et président d’Habitat et Humanisme en Provence, pascal gambiez témoigne que la relation avec les personnes accompagnées et les autres béné- voles le transforme en profondeur, le fait grandir en humanité et l’amène à vivre un cheminement spirituel avec le Christ.


Je tiens à accompagner moi-même une personne ou une famille locataire. Après quinze ans d’accompagnement de chômeurs, je connais la patience nécessaire devant des situations apparemment bloquées et la joie quand un pas en avant s’effectue ou une issue est entrevue.

L’attention en profondeur à l’autre, à ses vrais désirs, est capitale. Ne pas plaquer son analyse rationnelle de la situation. Mon premier accompagné avec Habitat et Humanisme avait des problèmes de papiers et de chômage et je me suis précipité sur ces aspects au début pour découvrir au bout de quelques mois qu’il avait totalement perdu le goût de vivre, renvoyait tous ses amis et se terrait des jours entiers dans le noir dans son appartement. Sentiment d’impuissance mais aussi impression que les discussions sur les films qu’il aimait et sur son enfance étaient un des petits fils qui le rattachaient à la vie. Que de fois ai-je invoqué l’Esprit pour rester présent, dans cette situation qui semblait bloquée !Cet accompagné, après un court passage en hôpital psychiatrique, a rebondi, reformulé un projet de vie. Quelle joie !

La moitié des bénévoles de l’association sont des accompagnants. Ils passent souvent par une phase de peur. Peur d’être assaillis par la dureté des situations et la rudesse de certains comportements ! Peur aussi de ne pas être à la hauteur, notamment face à la complexité des problèmes « à résoudre » et des arcanes des dispositifs sociaux.

Parfois, il y a des rebuffades, les accompagnés ayant l’illusion qu’ils peuvent s’en tirer seuls. Mais, souvent, il y a la joie d’une rencontre fondamentalement gratuite et des étapes petites ou grandes franchies sur le chemin d’un nouveau projet de vie.

A la suite du Christ

Le risque de cette relation valait le coup, comme celui pris par Jésus lors des multiples rencontres en Palestine. Nous ne sommes pas « maîtres et seigneurs » mais nous signifions à notre mesure que la personne accompagnée est digne de confiance et appelée à un chemin de libération comme les aveugles, estropiés ou boiteux de l’âme qui jalonnent les Évangiles.

Enfin, cette relation transforme aussi parce qu’elle renvoie indirectement l’accompagnant à certaines de ces faiblesses. Difficile d’être pharisien ou technocrate dans un tel accompagnement ! Progressivement, on quitte la posture de l’aidant pour devenir frère, confronté soi-même à des difficultés et à l’aspiration de mieux « réaliser » son humanité.

Dans le rôle de président, l’humain est aussi prépondérant vis-à-vis des tâches de gestion. Le leadership avec les bénévoles fonctionne uniquement par l’adhésion, la motivation. Il réclame prioritairement l’expression de la reconnaissance devant les initiatives prises et les réussites et de la patience et de la magnanimité face à certaines inconséquences ou certains abandons.

Le Christ sert de référence. Dans ses rencontres, il pointe d’abord les actes de foi de ses interlocuteurs. Il leur fait confiance en profondeur, au-delà de leurs actes passés.

Les projets internes finissent par progresser mais l’exercice de dirigeant d’une association de bénévoles apprend à faire passer au second plan la réussite des projets. Le premier plan revient à la justesse au plan humain des orientations prises et des attitudes tenues. Une forme d’indifférence ignatienne ?

Ce rôle, même s’il s’appuie en partie sur mes expériences de dirigeant dans ma carrière industrielle, m’incite beaucoup à évoluer : à m’efforcer de donner plus de poids à la composante affective vis-à-vis de la composante rationnelle, souvent privilégiée chez les décideurs, et à accorder beaucoup d’importance à la mise en mouvement intérieure des personnes, bénévoles comme locataires.

Cette évolution s’accompagne d’un cheminement spirituel : valoriser les capacités et les aspects positifs de la personnalité des interlocuteurs, frères en Christ, et prendre conscience de mes li- mites, notamment relationnelles, corriger certaines attitudes, mais, en même temps, m’aimer« comme je suis » (comme Dieu m’aime).

Pascal Gambiez
Président d’Habitat et Humanisme - Provence

 

 

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