Impression Envoyer à un ami
Spiritualité ignatienne - Revue N°62 - Novembre 2019

Relire pour lire la présence de Dieu

Pour relire notre vie sous le regard du Seigneur, nous sommes invités non à écouter distraitement la Parole mais à y demeurer, pour que nos paroles ne soient pas « paroles en l’air » mais deviennent « paroles dans le Souffle », pour que nos actions humaines soient purifiées par l’amour de notre Dieu qui ne cesse de nous recréer, si nous acceptons de nous laisser conduire sur ce chemin.

Le peuple d’Israël a relu et écrit sa propre histoire et ce fut une réelle expérience spirituelle. Nous pouvons relire notre vie en nous appuyant sur quelques moments clés de cette relecture dont témoigne le Deutéronome. Ce livre rappelle le lien indissociable entre la relation à Dieu et la relation aux frères, thèmes qui seront repris par Jésus (Matthieu 7,7-14).

Un peuple relit sa vie : le Deutéronome

Deutéronome 6,4-9 : Profession de  Foi  au  Dieu unique.
« Écoute,  Israël, le Seigneur est UN. Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toutes tes forces. »

Ce qu’Israël est d’abord invité à écouter, c’est que le Seigneur est UN. Il n’est pas divisible et se donne entièrement. Il s’agit d’exprimer son amour de Dieu non « du bout des lèvres » mais « du fond du cœur », le laissant traverser affectivité et volonté, dons et faiblesses. Lorsque cette question sera posée à Jésus : « Maître, quel est le plus grand commandement ? », il répondra en citant Deutéronome 6,5. Et il ajoutera que le second lui est semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Matthieu 22,34).
  • Quelle est ma capacité à aimer Dieu de tout mon être, l’autre et moi-même, créés à son image ?

Deutéronome 8,7-20 : Marche vers la Terre promise.
Après la libération de l’esclavage en égypte et la traversée du désert, le peuple est sur le point d’entrer en Terre promise, là où il ne manquera de rien, là où la vie surabonde (Deutéronome 8,10). L’abondance peut susciter l’action de grâce pour tant de bienfaits.

Mais la tentation est grande pour le peuple de s’approprier dons et victoires, comme émanant de ses propres capacités ; cela lui est rappelé : « Garde-toi de dire en ton cœur : c’est la vigueur de ma main qui m’a fait agir avec puissance » (v 17).
  • Suis-je dans la gratitude de la vie reçue ? Ai-je tendance à m’approprier les choses, les gens, les réussites ? De quoi puis-je lui dire « Merci » ; « Pardon » ? Quelle grâce à demander ?

Deutéronome 26,1-19 : Dieu et Israël, un engagement mutuel.
Contrairement aux Cananéens qui célébraient chaque année une fête en l’honneur de Baal, divinité de la fécondité, Israël est invité à rendre grâce à son Seigneur. Arrivé en Terre promise, il fera mémoire de l’action de Dieu : « Mon père était un Araméen errant ; il est descendu en Égypte (…). Il est devenu une nation puissante et nombreuse. Mais les Égyptiens nous ont maltraités. Nous avons crié vers le Seigneur et il a entendu notre voix. (…) Il nous a fait sortir d’Égypte par sa main forte et son bras étendu » (Deutéronome 26,6-9). Israël s’engage alors à garder les lois de Dieu et à les mettre en pratique. Quant à Dieu, il s’engage à protéger son peuple et à le fortifier. Bien des fois, le peuple l’oubliera mais Lui reste fidèle. Il pardonne ses errances et refait alliance.
  • Quelle est ma fidélité à Dieu surtout dans les moments de doutes et d’impatience ? Consi- dérer ce que je construis avec d’autres : famille, travail… Est-ce dans l’Alliance avec le Seigneur de la vie ?

Dans le Nouveau Testament : Simon Pierre

L’itinéraire d’un homme, Simon Pierre peut éclairer le nôtre.

La guérison de la belle-mère de Pierre (Luc 4,38-39) a permis la rencontre avec Jésus. Dans notre vie aussi, des personnes nous ont ouvert le chemin de la rencontre avec le Christ et nous ont mis en route.
  • Quelles sont-elles ? Les confier au Seigneur…

Un jour, Jésus monte dans une des barques qui appartient à Simon. Il lui dit : « Avance en eau profonde et jetez les filets » (Luc 5). Le pécheur a du savoir-faire mais les disciples n’ont rien pris cette nuit-là. Il reconnaît cet échec mais il se décentre, écoute la Parole. Il lâche les filets et l’inattendu advient. C’est l’abondance, signe de la puissance divine qui suscite chez Simon Pierre la prise de conscience de sa petitesse. Il se laisse pourtant appeler et apaiser. Pierre, Jacques et Jean partageront la mission de leur Maître, prêchant l’évangile à sa suite.

Il faut croire pour comprendre. Risquer de lâcher les filets pour accueillir l’inattendu de Dieu.
  • Quels sont mes désirs ? Mes peurs ? Sur quelles paroles en- tendues, sur quels dons puis-je m’appuyer pour jeter les filets ?

Après l’épisode de la multiplication des pains, Jésus pressent que la foule veut le faire Roi. Il demande aux disciples de s’éloigner et part, seul, dans la montagne, pour prier. La nuit approche. La tempête est là. L’angoisse saisit les disciples. Ont-ils déjà perdu Celui qu’ils avaient trouvé ? Ils se sentent abandonnés (Matthieu 14,22-33).

Traverser les épreuves de la vie sans vouloir le calme, coûte que coûte. Illusion de croire que c’est le critère de la présence de Jésus à nos côtés ! Grandir dans une relation personnelle et nouvelle avec le Seigneur, c’est souvent vivre un combat spirituel et croire qu’Il est là, même dans la tempête.
  • Si j’ai traversé des tempêtes, qu’est-ce qui m’a permis de re- trouver plus de confiance et de sérénité ?
Dans son désir de suivre le Christ, Pierre va vivre, peu à peu, la purification douloureuse de sa part de rêve et d’illusion. Les situa- tions seront parfois différentes de ce qu’il a imaginé. La manière de faire de Jésus va parfois le surprendre, surtout face à l’adversité. Lui-même, Pierre, sera capable de dire : « Même si tous tombent à cause de Toi, moi je ne tomberai jamais. » Mais pendant la Passion : « Je ne connais pas cet homme dont vous me parlez » (Marc 14).
  • Quelles sont mes faiblesses ? À quel chemin d’humilité suis-je appelé (e) ?

Pierre a fait l’expérience qu’il ne peut fonder son assurance sur lui-même. Par trois fois, Jésus l’interroge : « Simon, m’aimes- tu ? » pour l’aider à assumer son passé et s’ouvrir au pardon. Pierre lui répond : « Seigneur, tu sais bien que je t’aime ». Malgré sa fra- gilité, Jésus lui confie la mission de Pasteur : « Pais mes brebis » (Jean 21,15-19).

Ce lieu où Pierre s’est égaré devient alors un lieu de vie qui portera du fruit.

 
Dans les Actes des Apôtres, Pierre guérit au nom de Jésus Christ et témoigne de Lui avec assurance. Il devient capable de se laisser déplacer dans ses convictions sur le pur et l’impur, les païens et les juifs. Il appelle pour la mission. C’est un homme nouveau.
 
Comment ne pas écouter avec émotion ce que Pierre partage de sa « relecture » au terme de sa vie, dans la deuxième épître de Pierre ? Témoin avec Jacques et Jean de la Transfiguration, il n’a pu garder pour lui cet événement lumineux, à plus d’un titre : « Nous avons vu, nous avons entendu… »
  • Pour fortifier la foi de ceux qui nous sont confiés, oserons-nous comme Pierre être témoins de ce qui, parfois, transfigure nos vies ?

La relecture de l’histoire du peuple d’Israël et celle d’un homme à la suite de Jésus, Simon Pierre, témoignent de la présence de Dieu qui intervient dans toute histoire. Présence aimante qui accueille les désirs, les élans mais aussi les refus, les abandons. Cette prise de conscience nous invite à la gratitude. Celle-ci repose sur la certitude que notre relation avec le Seigneur est une histoire d’alliance. Il est fidèle et nous apprend la liberté ! Tisser les événements de la vie avec la Parole de Dieu nourrit notre vie spirituelle.

Mais pour cela, plusieurs conditions sont requises :

–    Prendre le temps de respirer ! Chrétien ou non, l’homme mo- derne est en quête de souffle !

–    Se rendre attentifs à ce que l’on vit, aux « motions » qui nous traversent ; prendre conscience qu’il y a des situations qui nous donnent de l’élan et d’autres qui nous bloquent. Qu’en faisons-nous ?
 
–    Accepter de « lâcher prise » avec un peu d’humour, en nous mettant sous le regard de Dieu, en lui confiant nos préoccupations et nos peurs : nous ne sommes pas le Sauveur du monde !
Laisser le Seigneur agir en nous, remettre de l’ordre et nous indi- quer le chemin de la vie.

S’exercer à la relecture régulièrement porte du fruit, nous rend plus libres : « Vous avez été appelés à la liberté » (Galates 5,13). Si je suis « désencombré(e) », je peux sortir de moi-même, mieux aimer et servir. Je peux aller vers les autres avec l’humble charité qui ne s’impose pas, signe d’une vie spirituelle authentique.

 
Marie-Christine Landry
sœur du Christ,
travaille au centre spirituel du Châtelard.
Responsablede la formation
à l’accompagnement spirituel par unités.

 
Photo: « Avance en eau profonde et jetez les filets. » Crédits photo: © Sedmak / iStock
Photo: Lecture de la Torah. Crédit photo: © Blueenayim / iStock


 
Télécharger la revue n° 85 gratuitement
La revue n° 85 sera disponible dans votre dossier Téléchargements
Pour télécharger une autre revue, cliquez sur l'image de la revue souhaitée ci-dessous.

Le produit a été ajouté au panier

Voir mon panier