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Ecole de prière - Revue N°88 - Mai 2024

La prière mariale dans la spiritualité ignatienne

Martine Mary, supérieure générale de la Société des Filles du Cœur de Marie, après avoir retracé l'évolution au fil des siècles des prières à la Vierge Marie rappelle comment les Exercices spirituels selon saint Ignace parlent de la Mère du Christ.
Prier Marie, cela semble tellement évident dans l’Église catholique ! On apprend le « Je vous salue Marie » dès l’enfance. Pourtant, on peut parfois avoir l’impression qu’on la prie mal, trop, ou trop peu. Dans les Évangiles, comme dans les Exercices spirituels selon saint Ignace, Marie est présente aux moments-clés, à chaque seuil vers une nouvelle étape.

Marie, notre refuge

Depuis le Moyen-Âge, les prières à Marie sont des appels au secours, qu'il s'agisse du « Sub tuum praesidium » (« Sous l’abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu. ») ou du « Souvenez-vous » (« Souvenez-vous, ô Très miséricordieuse Vierge Marie, qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre assistance ou réclamé vos suffrages, ait été abandonné »). Les « Litanies de Lorette » (XVIe siècle) invoquent également Marie comme la protectrice universelle, le « refuge des pécheurs », le « salut des infirmes », la « consolatrice des affligés », le « secours des chrétiens »...

Dans les monastères, le rosaire était prié par les frères qui ne savaient pas lire ; pendant que les clercs lettrés ressassaient les
150 psaumes, les autres méditaient de mémoire les mystères de la vie du Christ, bercés par les dizaines de chapelet, sachant qu'un chapelet = 5 x 10 « Je vous salue Marie » et qu'un rosaire = 3 chapelets, soit 150 « Je vous salue Marie ». En 1865, le tableau « L’Angelus », de Jean-François Millet, évoque la vie paysanne d’autrefois, sans montre ni horloge, qui était rythmée par la prière de l’Angelus ; trois fois par jour, à 7 h, 12 h et 19 h, les paysans posaient leurs outils le temps de la réciter.

Peu importe que les prières que nous égrenons soient plus ou moins rapides et audibles. Elles nous permettent de nous connecter à Marie et de demander sa protection en lui exprimant notre confiance filiale.

Mais Marie n’est pas seulement un refuge ; elle est aussi un stimulant, un modèle exigeant.

Marie, notre modèle

Marie nous apprend à écouter humblement, à contempler, et à « garder dans notre cœur », comme elle l’a fait à Bethléem et à Jérusalem (Lc 2). De même qu'elle a été toute livrée à la personne et à l’œuvre de son Fils, elle nous aide à tourner notre regard vers Lui.
Au XVIIe siècle, saint Louis Grignion de Montfort fait une distinction entre la « fausse » dévotion, extérieure, faite de prières débitées, et ce qu’il nomme la « vraie » dévotion qui sort du cœur et qui consiste à « se vouer à », à « s’en remettre à ». Tout jeune homme, quand il était ouvrier à l’usine chimique Solvay, à Zakrzówek, Karol Wojtyla avait découvert son « Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge ». D'ailleurs, la fameuse devise « totus tuus » de Jean Paul II, qui signifie « Je suis tout à toi, Marie », vient des écrits de Grignion de Montfort.
Au XVIIe siècle, avec l’École française de spiritualité, on redécouvre en Jésus et en Marie des maîtres à suivre, non pas de l’extérieur, mais de l’intérieur, du plus près possible. Tous les maîtres spirituels de cette époque Jean-Jacques Ollier, Jean Eudes, Jean-Baptiste de la Salle, le cardinal Pierre de Bérulle, Vincent de Paul… invitent à transformer son cœur en prenant pour modèles les Cœurs de Jésus et de Marie. Il s'agit, disent-ils, que se reproduisent en nous non seulement l’image mais aussi la ressemblance du Père. En contemplant longuement les Cœurs de Jésus et de Marie, ne finit-on par se laisser former par eux, reformer, conformer, comme l’argile dans les mains du potier ? Leurs cœurs ne sont qu’amour, désarmés et désarmants. « Mettez-vous à mon école, je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,29), disait Jésus. Le Cœur de Marie est une fontaine apostolique qui oriente vers le service ; il est source de courage, foyer de charité, canal de miséricorde.       
 

Marie, médiatrice de grâce
Dans les Exercices Spirituels, Marie initie aux mystères de Salut de son Fils et elle intercède pour nous au cœur de la Trinité. Dans le colloque des Deux Étendards, en seconde semaine (Ex. spi. n° 147), Ignace propose de passer par Marie pour obtenir de son Fils et Seigneur la grâce d’être reçu sous son étendard, puis de passer par le Fils pour l’obtenir du Père, et enfin de le demander au Père pour qu’Il nous l’accorde. La mission de Marie est de nous mettre avec son Fils, de nous offrir avec lui au Père, comme elle l’a fait au pied de la Croix, puis de faire de nous des enfants de lumière, fortifiés par la vie en abondance du Ressuscité.
La deuxième semaine des Exercices fait passer de la méditation à la contemplation des mystères de la vie du Christ ; elle s’ouvre par la décision de la Trinité d’envoyer l’Ange Gabriel à Notre Dame (Ex. spi. n° 102). Dans le mystère de l’Annonciation (Ex. spi. n° 262), Marie apprend à écouter humblement, à accueillir l’Esprit de Dieu, et à lui être docile.
La quatrième semaine, consacrée aux mystères de la Résurrection, s’ouvre, elle aussi, avec la Vierge Marie : « Comment le Christ notre Seigneur apparut à Notre Dame » (Ex. spi. n° 218). Pour Ignace, c’est Marie, la première, qui a fait l’expérience du surgissement du Ressuscité dans sa vie, de sa présence consolante, de la vie dans l’Esprit. Marie qui a donné son sang humain à Jésus pour lui permettre de prendre chair, lui donne sa foi pour qu’Il puisse édifier son corps spirituel, l’Église. Qui mieux que Marie pourrait nous introduire dans cette expérience du Ressuscité, de l’Amour de Dieu dans nos vies ? La quatrième semaine débouche sur la Contemplation pour obtenir l’Amour, qui unifie notre être dans la gratitude et la louange.

Marie est donc un refuge, une mère, un modèle, une fontaine de paix et de salut. Elle est la Reine Mère à qui son Fils, Roi éternel de toutes choses, ne peut rien refuser dans le Ciel. Elle est aussi la Reine de tous les cœurs qui s’ouvrent à son action bienfaisante dès cette terre : une mère universelle. Peut-être la prie-t-on mal, mais on ne la priera jamais assez.


Martine Mary

Agrégée de lettres modernes, Martine Mary a enseigné en université, en classes préparatoires, en collège jésuite et en collège public en zone « sensible ». Elle a été missionnaire en Hongrie et, depuis août dernier, elle est supérieure générale de son institut religieux, la Société des Filles du Cœur de Marie.


Photo : L’Angelus de Jean-François Millet, peint entre 1857 et 1859. Dans la vie paysanne d’autrefois, les journées étaient rythmées par les trois prières à Marie, à 7 h, 12 h et 19 h.
© : musée d’Orsay, Paris. 
 
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