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Expérience de Dieu - Revue N°64 - Mars 2020

La gloire de Dieu, c’est de voir l’homme debout !


Comment postuler pour une formation ou un travail quand on n’a pas les codes ou l’aspect vestimentaire indispensable pour se présenter à  un  entretien ?  Les « bénéficiaires » nous arrivent envoyés par les organismes qui les suivent, à un moment où ils sont en chemin vers l’emploi. Souvent, nous leur disons ce qu’ils ont déjà entendu (postures, argumentation de CV, mise en avant des qualités…). Mais ils l’entendent d’une personne nouvelle et y sont beaucoup plus réceptifs. Notre intervention, placée au bon moment, est vécue comme « le coup de pouce » qui dynamise leur parcours.

Le processus repose sur la bienveillance. Après un café d’accueil avec des bénévoles, le bénéficiaire est pris en charge par d’autres bénévoles et passe au vestiaire. C’est là que le changement s’opère vraiment. Le slogan de l’association, c’est : « L’habit ne fait pas le moine… mais il y contribue. » Et je le vérifie régulièrement. Souvent, dans un premier temps, les gens refusent cette phase de «relooking» avec le même argument : « Merci, mais je n’ai besoin de rien. » En insistant sur la gratuité et le fait qu’ils repartiront avec le vêtement essayé, les attitudes changent et en moins d’une demi-heure, une personne éloignée de l’emploi recouvre une part de sa dignité.

Les différentes phases d’accompagnement sont assurées par des bénévoles spécialisés. Ainsi j’interviens lors de la phase d’entretien, alors que les conseils d’habillement sont prodigués par une ancienne vendeuse en prêt-à-porter qui fait cela avec beaucoup de tact et de gentillesse. Il m’arrive aussi de prendre en charge le café d’accueil. Je suis alors impressionné par la différence d’attitude des bénéficiaires entre le moment où ils vont au vestiaire et le moment où ils en reviennent. Ils n’ont plus le même regard.

Lors des entretiens, mon constat est souvent le même. Comment des personnes avec autant de potentiels et de qualités intrinsèques peuvent-elles être ainsi laissées au bord du chemin ? Quelle société avons-nous construite ? Quels mécanismes d’exclusion avons-nous laissé s’instaurer ? Combien de blessures et de maltraitances ont miné la vie de nos contemporains… Cependant, je rends grâce quand je vois tous ces bénéficiaires repartir avec un enthousiasme qu’ils ne soupçonnaient même pas eux-mêmes une heure plus tôt.

La Gloire de l’homme, c’est de voir Dieu
Je me souviens de l’expérience d’une jeune femme recalée quatorze fois de suite en entretien.  À la fin de notre rendez-vous, je lui dis qu’en situation réelle, je ne l’aurais pas retenue. Elle paraît trop sûre d’elle et présente ses stages avec beaucoup d’assurance. Un employeur potentiel ne peut que prendre peur ou douter de la véracité de ses dires. Stupeur dans son regard. Je lui donne quelques conseils pour le lendemain où elle doit passer trois entretiens. Deux propositions d’embauche lui ont été faites.

Avec bienveillance, de ma place de bénévole, j’ai pu parler vrai ; ce qu’un employeur potentiel n’aurait pas pu faire.

Dire les choses. Dédramatiser aussi. J’ai tiré quelques enseignements de mon expérience de « chercheur d’emploi » et il m’a fallu du temps pour m’apercevoir, qu’en fait, j’étais « offreur de compétences ». C’est cela que j’ai envie de partager. En tant qu’homme. En tant que chrétien.

Autre exemple : nous accueillons un homme d’une cinquantaine d’années, visiblement éloigné de l’emploi depuis bien longtemps. Il a rendez-vous dans quelques jours dans un service de nettoiement. Lors de l’entretien, je lui demande quelles sont ses qualités. Il me répond qu’il n’en a pas. Alors je lui demande en quoi ce service de nettoiement serait content de l’avoir comme salarié. Et là, il s’anime.
 
« - Je ne suis pas fainéant, je ne suis jamais en retard.
-    Et ce ne sont pas des qualités ?
-    Non, c’est normal quand on tra- vaille…
»

J’ai repris chaque terme et petit à petit il a fini par accepter ses qualités. Il est ensuite retourné à l’accueil où je l’ai rejoint. Au moment de partir, il se tourne vers moi et me serre la main : « Monsieur, je n’ai rien à vous donner pour vous remercier. Mais je vous donne ma gratitude. »

Dans les yeux de cet homme, c’était le regard du Christ que tout à coup je croisais.
À travers ses fêlures, était passée la lumière…

 
Gilles Cabaret




Crédit photo: © La Cravate Solidaire
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