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Que sont mes amis devenus ?


QUE SONT MES AMIS DEVENUS ?
 
Prêtre depuis cinquante-cinq ans, vous imaginez le nombre de mes semblables que j’ai pu accompagner au cimetière !...
Et dans les mois tout proches, mes quatre frères et ma sœur sont partis, l’un après l’autre, vers l’autre monde.
Alain, le plus jeune, il y a quatre mois ; Madeleine, presque ma jumelle, il y a une semaine.
J’ai pleuré tant de fois devant le trou béant et le cercueil !
Peu avant de relever Lazare du séjour des morts, Jésus a versé des larmes lui aussi.

Parmi mes amis et les membres de ma famille, nombreux sont ceux qui pensent : « Il n’y a plus rien après cette vie. »
Beaucoup ajoutent que c’est mieux ainsi. « Au moins, nous sommes libérés du cauchemar d’un enfer ou d’un purgatoire.
Nous retournerons paisiblement dans le néant où nous étions auparavant, et où rien ne nous manquait puisque nous n’existions pas.
Il faut se rendre à l’évidence : nous sommes nés pour mourir ! »

La foi en Dieu, une foi « sur Parole », renverse les situations. Non seulement la vie reprend ses droits après une courte pause, mais elle est magnifiée.
Plus de cent paroles du Nouveau Testament évoquent cette éternité
. Jésus ressuscité insiste : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez que je retourne chez mon Père »,
« Je vais vous préparer une place ».

Saint Paul, dont les lettres servent de socle à la foi chrétienne, insiste sur notre propre résurrection : « Je manifesterai la grandeur du Christ par tout mon être, soit en vivant, soit en mourant.
Car pour moi la vie, c’est le Christ et la mort est un avantage… J’aimerai quitter cette vie pour être avec le Christ. [1] »

La foi est un cadeau qui change tout. La mort, alors, ressemble à ce que fut notre naissance. 
Nous passions d’une forme d’existence à une autre.
Nous étions cloitrés, nous sommes sortis à l’air libre.
Nous étions assistés, nous devenions autonomes…
Nous étions comme un bateau sur son ancre, nous partions toutes voiles dehors.

J’aime, personnellement, l’image de la chenille toute velue et rampante devenant,
par une subtile métamorphose, un papillon aux mille couleurs qui s’en va voletant de fleur en fleur.

Que disent les religions au sujet de notre devenir éternel ?
Chez les hindous, l’être humain se réincarne autant de fois qu’il le faut pour être purifié de ses fautes.
Au terme, cela ressemble au fleuve qui se fond dans la mer.
Chez les juifs, les chrétiens, les musulmans, la logique est la même, mais elle est vécue différemment.
C’est toujours l’idée d’entrer dans l’éternité purifiés de toute souillure.
Mais notre identité est sauvegardée. « Je serai homme en paradis » (Ignace d’Antioche).
Peut-être connaîtrons-nous alors exactement ce que nous avons pu faire endurer à nos proches ?
Notre chagrin, et notre repentir effaceront toute trace d’égoïsme, de jalousie et de méchanceté.
Nous deviendrons, comme jamais nous ne l’avons été, des « êtres de relation ».
 
Quelle est la durée de ce nouveau séjour ? La théologie n’en dit rien.
On nous invite seulement à prier pour ceux qui sont partis avant nous.
Lorsque Jésus parle de ce stage entre la vie terrestre et l’entrée dans le Royaume,
il utilise l’image d’un quartier de Jérusalem où l’on brûlait les ordures : la Géhenne.
Les théologiens sont discrets sur cette période, sa durée et notre « emploi du temps ».
« Allez au feu éternel » ne veut pas dire : « Allez éternellement au feu. »
Qu’est-ce qui pourrait le mieux purifier notre vie passée, sinon revivre en pensée les moments
qui auraient dû être les plus chargés d’amour. Notre avarice de cœur nous apparaîtra dans des faits, des pensées, des paroles regrettables.
Ce sera, comme au cours d’une retraite ou d’un noviciat, une souffrance purificatrice.
J’ai rencontré dans ma vie des hommes au passé vulgaire et brutal. Tombant amoureux d’une jeune fille totalement pure,
ils ne craignaient rien tant que d’en blesser l’innocence. Ils vivaient alors, à la fois, dans la plus grande espérance et la plus grande douleur, ce temps de guérison.
Mais, à aucun  prix, ils n’auraient consenti à être privés de cette purification.
 
Un des textes les plus solides pour nous conforter dans l’Espérance est peut-être,
au chapitre 21 de l’Apocalypse : « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. Il n’y aura plus de mort. Il n’y aura plus de séparation,
Ni de larmes, ni de souffrance. En effet, le monde ancien aura disparu.[2] »

Un autre verset est celui auquel je pense lors de chaque épreuve : « J’en ai l’assurance : les souffrances de ce temps sont sans commune mesure avec la masse éternelle de gloire qui nous est préparée.[3] »

La gloire, en hébreu, c’est le rayonnement de l’amour, l’éclat des perfections divines.
Rien ne pourrait autant combler nos attentes.
Je n’imagine pas l’éternité comme moins exaltante, moins vivante, moins passionnante, moins enivrante que la plus accomplie des vies terrestres.
Le Christ ressuscité faisait braiser du poisson sur la rive du lac de Tibériade,
comme avant, peut-être même avec une joie décuplée.
Saint Paul laisse supposer cela par son image du grain de blé donnant cent pour un
après sa mort dans la terre ! Multipliez par cent les plus beaux instants de votre vie.
Cela vous donnera un aperçu de ce que Dieu a préparé pour vous…
Woody Allen se trompe en pensant que nous pourrions nous ennuyer dans notre éternité, « surtout vers la fin ».
Toute éventualité de fin nous ramènerait aux douleurs de la séparation et de l’absence. Il n’y aura qu’un temps, un temps présent sans fin.
 
Nietzsche accusait les chrétiens de se détourner des préoccupations de la terre en songeant à un « arrière-monde », à une vie dans un au-delà.
Cette considération me surprend. Si un père disait à son fils : « La qualité de tes études de médecine favorisera la qualité de l’exercice de ta profession »,
cela le détournerait-il de ses années présentes ? C’est à chaque heure que nous façonnons notre visage éternel.
De même, le petit enfant dans le ventre de sa mère se prépare à chaque minute des poumons, des pieds, des mains,
un cerveau qui ne lui servent à rien, pour l’instant, mais seront bien précieux après sa naissance qui est aussi un adieu à son séjour utérin.

Dieu S’y connaît en joies. Bientôt, Il nous dira : « Vous n’avez encore rien vu ! »
Stan Rougier
Prêtre, écrivain, conférencier
 
Voir aussi : « La foi prise au mot » et « L’amour comme défi » (KTO TV).
Page Facebook : Stan Rougier : « Dieu est amour ».


[1] Ph 1, 23.
[2] Ap 21, 3.
[3] Rm 8, 18.

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