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L'îcone du pape François


Créée récemment, cette icône intéressera non seulement les amis de St Ignace et de St François, mais aussi tous ceux du pape François...


Une icône de St François et St Ignace

Son histoire est aussi singulière que son aspect : il y a en Provence un village, Pélissanne (près de Salon de Provence, Diocèse d’Aix-en-Provence et d’Arles), dont le curé (P. Thierry Gourgeon) a depuis longtemps une grande vénération pour Ignace de Loyola et François d'Assise.

C'est pourquoi il a demandé, en janvier de cette année, à l'une de ses ouailles qui grave le bois, de lui réaliser une image de ces deux saints. Une idée qui semblait plutôt originale à ce moment-là. Ce dernier a demandé à son tour un dessin du projet à un autre paroissien qui écrit des icônes. C'est ainsi qu'est née cette composition insolite.

La gravure sur bois est en cours de réalisation au moment où est élu le Pape François. La prémonition du curé du village éclate comme une évidence à ce moment. Il est alors décidé que projet de gravure sera aussi icône…
 
Même si cette création ne remplit pas tous les critères traditionnels d’une ‘vraie’ icône (dimensions codées, composition conventionnelle etc…), ce qui sautera aux yeux des connaisseurs, il est évident aussi qu’elle s’y apparente fortement par bien des aspects (écriture, stylisation, symboles…) et devra donc être “lue” comme telle : elle illustre un cheminement, un voyage du terrestre vers le céleste, et invite à une méditation que les conventions iconographiques viennent alimenter. Ce que symbolise par exemple le dépassement du cadre des limbes des saints et du sommet de la croix : cette sortie du cadre signifie la transcendance des saints et du Christ.

 

Icône de St François et St Ignace, créée et écrite par Jean-Francois Gauderon

Composition générale

Les deux saints, légèrement tournés vers le centre (donc vers la croix et le spectateur en même temps), avec leurs visages stylisés selon l'iconographie classique, paroles traditionnelles, couleurs opposées (chaude et froide), et symboles bien différents et reconnaissables, sont disposés symétriquement de part et d’autre de la croix, centrale, qui les unit ainsi dans une même foi et un même amour du Christ, mais de façon différenciée.

En effet, un saint n’a de sens que référé au Christ, dont il a imité la vie, reçu l’Esprit, et partagé l’intimité par la prière et la mission… Un saint n’est admirable et vénérable que comme reflet de la beauté, du mystère, et de la présence du Christ. En même temps, c’est un reflet vivant, unique, qui n’a en rien altéré la personnalité propre du saint.

La symétrie simple et évidente de la composition manifeste donc cette unité (un seul Seigneur, une seule foi, une seule sainteté dans une seule Église…) et cette diversité (chacun reçoit la grâce de l’Esprit diversement pour le bien du corps entier).
 
 La croix



Traitée différemment des deux saints, car elle n'est pas un simple personnage, mais plutôt un signe écrit comme ces croix occitanes en pierre blanche, comme une sculpture du Languedoc (situé d’ailleurs entre l’Italie de François et l’Espagne d’Ignace), c'est une croix de San Damiano qui, selon Thomas de Celano, biographe de St François, lui aurait parlé  pour lui adresser le message suivant : "Va et répare ma maison, qui, tu le vois, tombe en ruines", initiant ainsi la réforme intérieure de l’Église au XIIIe siècle par la figure rayonnante de St François et sa conversion radicale.


Ignace, touché par l’exemple de St François (et de St Dominique, autre fondateur d’ordre mendiant), vivra lui aussi une conversion radicale, et offrira à ses compagnons, et par eux à toute l’Église de son temps, un souffle évangélique de réforme intérieure.

Le Christ est traité en camaïeu de gris, mélange du noir, symbole de mort et de ténèbres, et de blanc, symbole de pureté et de divinité. Le blanc domine, représentant le passage des ténèbres au monde divin, grâce à la lumière de la carnation du corps du Christ. La gloire de la Résurrection auréole la croix, et la bordure rouge rappelle le sang versé.

Le jeu des couleurs exprime donc le mystère pascal, tout de mort et de résurrection, inextricablement mêlées puisque la croix révèle la gloire de Dieu, tandis que la vraie vie ne peut se trouver sans passer par cette croix.

C’est ainsi que les saints participeront à cette gloire, en embrassant la croix et le Crucifié, ce qu’expriment les couleurs semblables (rouge et or) de leurs auréoles, soulignant les teintes de leur propre chair, de leur propre humanité.
 
 St François

Son visage est conforme aux représentations traditionnelles, et la main porte la marque des stigmates, signe concret de l’identification du saint à la Passion du Christ. L’autre main, cachée, porte un livre, celui de l’Évangile qu’il eut à coeur de vivre si radicalement; ou celui de sa règle, qui n’est au fond que la traduction de cet Évangile.

Son habit est marron, couleur de la terre par excellence, de l’humus dont était si proche l’humble serviteur ; couleur animale et végétale aussi, appropriée au chantre de la Création ; couleur douce, rassurante et presque maternelle, exprimant bien la tendresse du ‘petit pauvre’.

La devise “pax et bonum” (paix et bonheur), aux racines bibliques traditionnelles, devenue une formule chère à l’apôtre itinérant qui aimait à saluer ainsi les personnes rencontrées et signer ses écrits, est désormais attachée à son Ordre, ainsi que la croix en forme de Tau, elle aussi tirée de textes bibliques, également chère au saint, et à présent véritable symbole de son Ordre et de sa spiritualité.

L’oiseau, l’arbre et le loup, renvoient aux nombreuses traditions relatives à celui qui prêchait aux animaux et chantait le Seigneur des vivants en toutes ses créatures (cf « les Fioretti » ...). Ils évoquent aussi l’œuvre de paix et de réconciliation de celui qui, avec la seule force de la Colombe (la douceur de l’Esprit Saint), pouvait calmer et “convertir” le féroce loup de Gubbio, faisant ainsi croître le Royaume comme un bel arbre…
 

St Ignace

Son visage aussi est conforme aux représentations traditionnelles, et sa main ouverte comme celle de St François (pour accueillir le don de Dieu et tout lui offrir en retour…) est signe de louange, tout en désignant la croix. Le saint ne concentre pas les regards sur lui, mais renvoie au Christ. L’autre main porte un livre, les paroles de feu de Celui qui brûlait de jeter un feu sur la terre, et envoya ses disciples en mission comme Lui-même avait été envoyé. La phrase de St Ignace, Ite, inflammate omnia, “allez, enflammez toutes choses”, exprime cette ardeur missionnaire d’Ignace, véritable ‘feu qui en engendre d’autres’, lançant la Compagnie de Jésus avec foi et audace vers toutes les frontières pour diffuser la Lumière du Christ.

Son habit bleu, couleur de sagesse et de sérénité (discernement et consolation diraient les Ignatiens !), de rigueur et d’exigence pour la vérité, évoque aussi le vaste ciel et les larges horizons des mers à traverser pour porter l’Évangile.

La devise Ad Majorem Dei Gloriam, ainsi que le monogramme IHS (hérité en partie de la piété franciscaine… Ici, avec la petite croix et les 3 clous – considérés comme l'expression des trois vœux de chasteté, pauvreté et obéissance -, selon une version traditionnelle) n’étonnera pas les familiers d’Ignace et de la Compagnie :  exprimant le zèle (thème du magis) pour servir la Gloire de Dieu, et l’attachement au nom de Jésus, Sauveur des Hommes, la contemplation passionnée de son humanité salvifique, l’enracinement de la spiritualité ignatienne dans le mystère de l’Incarnation.
Si l’arbre et son mystère de croissance convenaient très bien pour St François et son approche de la Mission, l’église de pierres, plus institutionnelle et structurée, pourrait convenir à l’homme des Constitutions, fondateur des Jésuites tels qu’on se les représente souvent. Mais une telle opposition oublierait qu’Ignace y parle de la mission comme de “la vigne du Seigneur”, pas comme de la construction de la maison… et cette église est évidemment celle de Pierre, la basilique St Pierre de Rome, car la Compagnie de Jésus est liée de façon toute spéciale au pape et à sa mission universelle, se mettant à son entière disposition pour servir la Mission de l’Église.
 
 
Une icône pour aujourd’hui

L’élection d’un pape jésuite choisissant de s’appeler François donne à cette icône une portée saisissante. On pourrait d'ailleurs la baptiser « l'icône du pape François ».
Lui aussi, comme évêque de Rome, doit élargir son cœur et porter la sollicitude de toutes les Églises de par le monde entier, par son ministère pétrinien. Venu lui-même d’un nouveau continent, il est par sa personnalité même un appel à entendre la catholicité comme cette communion universelle ouverte sur toutes les cultures, et intégrant leurs richesses par leurs diversités.

Fils d’Ignace, son cœur brûle d’annoncer l’Évangile, et il doit à présent relever les défis de toutes les nouvelles frontières, géographiques encore, mais surtout culturelles, sociales, idéologiques, qui cloisonnent le monde et le ferment à l’Esprit du Christ, afin que la nouvelle évangélisation porte ses fruits de paix et de joie.

Cela veut dire, encourager la paix, bâtir la paix et l’unité, et donc, dans le dialogue (entre les peuples, entre les religions, entre les Églises…), oser la joyeuse miséricorde, l’humble réconciliation, le pardon bouleversant… afin de relever ensemble les défis écologiques, économiques, sociaux… qui sont d’abord des défis anthropologiques, et donc spirituels.

Trouvant Dieu en toutes choses, comme Ignace, il regarde avec bienveillance toute réalité humaine, signe et réceptacle de la Présence de Dieu, comme St François savait Le trouver dans la splendide Création ou le lépreux défiguré.

Ce regard de compassion, de miséricorde, de tendresse créatrice, il l’a posé lui-même bien des fois sur les petits et les pauvres de son pays, y discernant la présence du Crucifié, et L’aimant en eux, de Son amour même.

S’il y a urgence à rebâtir l’Église – et de tous temps, l’Église composée de pécheurs a besoin d’accueillir sa sainteté du seul Saint qui peut la transformer -, c’est seulement par la conversion à l’Évangile (c’est à dire, un regard plus fidèle et plus aimant posé sur Jésus, et un cœur touché qui s’engage résolument en actes et en vérité) que se fera ce changement, comme il s’est fait dans la vie de François et d’Ignace, et par eux, autour d’eux.
 
 
 
Mais ce travail de conversion évidemment n’est pas réservé au pape et à ses proches (ni même aux Franciscains et aux Jésuites !) : si notre prière l’accompagne ainsi dans sa mission, c’est pour qu’il puisse affermir ses frères dans la foi, et pour que chacun de nous puissions vivre notre propre mission chrétienne, selon le charisme qui est le nôtre (tout comme Ignace et François ont vécu leur propre charisme au cœur de l’Église); nous aussi, unis au pape dans la foi et l’amour, et par ce lien vivant, en communion avec tous nos frères chrétiens de l’Église, nous avons à oser dépasser les frontières pour enflammer (Ite, inflammate omnia) les cœurs de charité, nous avons à œuvrer pour la paix qui donne la joie (pax et bonum) profonde du Royaume, à oser la force de la Colombe qui renverse tous les loups violents, à oser le pardon et la miséricorde; c’est celà, vivre pour la plus grande Gloire de Dieu (ad majorem Dei gloriam), et lui rendre gloire.

C’est cela, suivre Jésus Sauveur des Hommes (IHS), et se laisser configurer à lui par sa croix (Tau), jusqu’à reproduire en notre vie les marques (stigmates) de ce mystère d’humilité et de pauvreté, d’obéissance et d’amour; et ainsi, entrer dans la douce lumière de sa résurrection, rayonnant sa sainteté (auréoles).

Mais pour tout cela, un seul Chemin, Vrai et Vivant : le Christ Lui-même, crucifié et glorieux, axe et cœur de toute chose, tel que l’ont contemplé et imité François et Ignace, tel qu’ils nous invitent, par leur vie et par cette icône, à Le contempler et suivre…

Cet article ne donne que les principales pistes de lectures de cette œuvre. Chacun pourra trouver de lui-même les sources bibliques et biographiques, les symboles traditionnels et la spiritualité iconographique, qui sous tendent cette composition.

Ceux qui voudraient contacter l’auteur pour en savoir plus, ou obtenir une reproduction, peuvent le faire en écrivant à Jean-François GAUDERON,
artjfg1@gmail.com


Pascal Gauderon s.j.
pascal.gauderon@jesuites.com
 

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